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Le Blog de la Mutuelle Familiale
La Mutuelle Familiale
Le départ d’un nouveau chapitre de la santé publique au Parlement européen
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Un Collectif de 50 Mutuelles Santé issues de 3 pays d'Europe - France, Belgique, Pologne - représentant plus de 30 millions d’Européens, ont coorganisé en partenariat avec des scientifiques, des fédérations syndicales, des entrepreneurs, des associations internationales engagées et des députés européens, ce jeudi 11 avril un évènement majeur pour sensibiliser et mobiliser autour des enjeux cruciaux liés à l'amiante, aux pesticides et à l’alimentation biologique.
Ce colloque inédit a pour objectif de créer un nouveau chapitre en faveur de la santé publique et de l'environnement afin de protéger les générations présentes et futures, des dangers évitables de l’amiante et des pesticides. Cette mobilisation a reçu l’appui de plus de 50 députés européens de différentes couleurs politiques de premier ordre tels que les eurodéputées Marie Toussaint, Manon Aubry et Sylvie Guillaume.
Depuis plusieurs mois se sont enchaînées des décisions européennes telles que l'abandon de la réglementation visant à réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030 en Europe, la prolongation de l'autorisation du glyphosate pour 10 ans, et des reculs majeurs dans la mise en œuvre du Pacte Vert et "de la Ferme à la Fourchette", suscitant de vives inquiétudes pour la santé publique
L'industrie agrochimique et ses lobbyistes ne doivent pas continuer à compromettre notre avenir
En Europe, nous savons que 80% des insectes ont disparu au cours des trente dernières années et que les maladies chroniques liées à l'exposition aux pesticides sont en très forte augmentation. Les pesticides polluent l’air, l’eau, la terre, nos aliments et finalement nos corps, contribuant à une véritable “épidémie de maladies chroniques évitables”, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé. Il s’agit d’un enjeu capital de santé publique.
Environ 50 millions d’Européens dont 23 millions de Français sont touchés par une ou plusieurs maladies chroniques en partie liées aux pesticides (3). Deux expertises collectives scientifiques de l’INSERM de 2013 puis de 2021 ont révélé leur responsabilité dans plusieurs de ces maladies en forte augmentation : cancers de la prostate et du sein, tumeurs cérébrales, Parkinson, etc. Encore aujourd’hui plus de 60 000 tonnes de pesticides sont utilisés chaque année en France. En Europe le chiffre est plus élevé avec des estimations indiquant l’utilisation de centaines de milliers de tonnes chaque année sur l'ensemble du continent : en 2021, 355 175 tonnes de pesticides ont été vendues dans l'Union européenne.
Amiante et pesticides : une histoire similaire
Les dangers des pesticides présentent de grandes similitudes avec ceux de l'amiante. Le coût des cancers liés au travail est immense : entre 270 et 610 milliards d'euros chaque année, ce qui représente de 1,8 % à 4,1 % du produit intérieur brut de l'Union européenne (lien étude de l'ETUI réalisée en 2017). Une grande partie de ces coûts est due aux cancers professionnels liés à l'exposition à l'amiante. Des cancers pourtant évitables tout comme les coûts qui y sont associés pour les systèmes de santé de tous les États membres de l'UE si une meilleure politique de prévention est mise en place.
Témoignage d’Isabelle Marchand, membre du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest et maman de Cloé intoxiquée par les pesticides
“Je suis la maman de Cloé, jeune fille de 14 ans et nous habitons à St Nolff dans le Morbihan, dans un lotissement d’une commune rurale ; notre jardin jouxte un champ cultivé de manière intensive avec des pesticides.
En octobre 2019, Cloé a déclaré une leucémie lymphoblastique à l’âge de 10 ans ; la chimiothérapie détruit ses défenses immunitaires et nous étions très inquiets des traitements phyto sous la fenêtre de sa chambre.
Nous alertons la mairie ; pas de réponse. Je contacte le Collectif pour éloigner les pesticides de notre terrain. Après négo avec l’exploitant, nous obtenons une bande de 70m en herbe. Hélas, l’été suivant, l’exploitant cultive des pommes de terre avec un traitement par semaine ; nouvelle angoisse. Nouvelle mobilisation avec médiatisation.
Nous obtenons que la parcelle de 8 ha soit cultivée en bio. Début 2024, Cloé rechute ; on ne comprend pas ! En pleine crise agricole !
Les mesures agricoles acceptées par le gouvernement (pause ecophyto etc…) nous scandalisent et nous angoissent encore plus pour l’avenir et la santé de Cloé"
L'amiante n'est pas un problème du passé. Malgré la très grande victoire de l’interdiction de son commerce depuis 2005 en Europe, on trouve encore aujourd’hui des centaines de milliers de tonnes de ce minéral dans les bâtiments de tout le continent européen. Au cours des prochaines années, on s'attend à ce que des millions de bâtiments de l'UE affectés soient détruits ou rénovés, ce qui pourrait entraîner une exposition accrue pour les travailleurs. C’est pourquoi des mesures préventives doivent être mises en place de toute urgence pour éviter une nouvelle vague de victimes de l'amiante.
“Tandis que le mythe d’un usage contrôlé des pesticides vacille de plus en plus, il y a une heureuse nouvelle. Nous avons aujourd’hui les solutions pour faire advenir une Europe 100% en agriculture biologique. Ce nouveau cap enthousiasmant sera bénéfique pour un renouveau de la gastronomie, la santé publique et planétaire.” déclare Martin Rieussec-Fournier Coordinateur du Colloque au Parlement Européen, Représentant de la Mutuelle Familiale.
Face à cette urgence, plus de 40 mutuelles européennes font 6 demandes au Parlement européen et à la Commission européenne
1. Retirer l'amiante des écoles, gymnases et autres bâtiments publics en Europe jusqu'en 2032 en créant un fonds européen pour financer la gestion de l'amiante.
2. Réviser le guide de diagnostic Européen sur la base des connaissances scientifiques actuelles et des nouvelles maladies reconnues comme liées à l'amiante.
3. Appliquer la législation Européenne sur l'évaluation de la toxicité des pesticides avant leur autorisation de mise sur le marché.
4. Maintenir l'objectif de réduction de 50 % de l'utilisation des pesticides dans l'ensemble de l'Union européenne d'ici à 2030, comme le prévoyait le règlement SUR.
5. Des critères minimaux obligatoires de durabilité dans les marchés publics pour les denrées alimentaires (dont 20% minimum de bio) doivent être établis au niveau de l'UE en 2025, y compris dans les établissements scolaires et les structures d'accueil de la petite enfance.
6. Mettre en œuvre le scénario de l'INRAE pour une Europe 100% agro-écologique sans pesticides d'ici 2050 avec un objectif intermédiaire de 25% d'agriculture biologique d'ici 2030.
Ces demandes ont été émises avec l'aide de la Fédération Européenne des travailleurs du bâtiment et du bois (FETBB), Ban Asbestos France, Secrets Toxiques, le Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest et IFOAM (Fédération Internationale des Mouvements d'Agriculture Biologique). Elles s'inscrivent dans la continuité de celles transmises au Sénat le 5 février dernier à Paris.
Eric Gall, directeur adjoint IFOAM Organics Europe (la fédération européenne de l’agriculture biologique) :
« Nous saluons cette mobilisation des mutuelles pour la santé des agriculteurs, de tous les Européens, et des écosystèmes dont nous dépendons pour produire notre alimentation. Vu le contexte actuel de recul et de polarisation sur la nécessité d’une transition de notre modèle agricole, il est fondamental de réaffirmer que le futur de l’agriculture européenne doit passer par une sortie des pesticides de synthèse et de rétablir un cap clair vers l’agroécologie. Les agriculteurs bio montrent tous les jours qu’il est possible de produire une alimentation de qualité en respectant la biodiversité et les limites planétaires, mais ils ont besoin de politiques publiques de soutien plus ambitieuses et cohérentes. »
UN APPEL À UN ENGAGEMENT TOTAL
À la suite du colloque, une grande mobilisation avec des centaines de personnes a eu lieu devant le Parlement Européen afin de demander un changement de cap en faveur d'une agriculture 100% bio du XXIème siècle.
Après les tracteurs en février dernier, la mobilisation a demandé une agriculture 100% bio respectueuse de la santé humaine, de la planète et du climat. L’immense majorité des citoyens, paysans inclus, souhaitent un changement de modèle et une agriculture sans pesticides. Ils attendent de l'Europe qu'elle se lance pleinement vers l’agriculture paysanne et l’agroécologie. Les élections européennes approchent, et nombreux sont ceux - paysans, citoyens, artistes, musiciens... - qui ont rejoint ce rassemblement pour revendiquer dans la beauté et faire entendre leur voix.